Frank Catalano. Jazz Hot N° 673. Hiver 2015-2016

 

© Jazz Hot n°674, hiver 2015-2016, Frank CATALANO

The Chicago Fire

Frank Catalano est né à Chicago en 1977 dans une famille au sein de laquelle le père, amateur de jazz, jouait un peu de batterie.
Il apprend très tard que son grand-père a joué du saxophone, mais la famille ne souhaite pas qu’il devienne musicien. Après avoir étudié le piano, Frank passe au saxophone alors qu’il a 7 ans. A 10 ans, il joue avec Von Freeman et, à 18 ans, Frank travaille avec le guitariste Santana. Un an plus tard, il organise son propre groupe avec Randy Brecker et enregistre pour Delmark Cut It Out. Sa discographie se poursuit avec Pins ‘n Needles, You Talkin’ to Me? puis un Live au Club Green Mill de Chicago, dont il demeure un des piliers, enfin Bang en 2008.

Propos recueillis et traduits par Patrick et Manuel Dalmace.

Tu es un jeune musicien, qu’est-ce qui te rattache aux racines du jazz ?

Je pense que ce qui me permet de rester connecter aux racines du jazz, c’est la spontanéité, et mon amour pour l’improvisation. J’ai toujours aimé être capable d’être créatif et spontané dans l’instant. Je pense que tous les grands musiciens de jazz que cela soit Louis Armstrong, Charlie Parker, ou Lester Young, tous étaient dans l’instant lorsqu’il étaient en train de jouer. Pour moi c’est le plus important.

Y a t’il actuellement un son spécifique dans le jazz des chicagoans ? Si oui quelles sont ses caractéristiques et se ressent-il dans son jeu ?

Le jazz de Chicago, en particulier celui du saxophone ténor, a un son très spécial. Mon mentor était Von Freeman. Il a joué avec Charlie Parker, Miles Davis et pas mal de gens reconnus. Johnny Griffin et Von Freeman ont été à l’école ensemble. Ils ont tous les deux un  très gros son avec une technique très rapide. En remontant un peu plus loin, il y a eu Eddie Harris avec une sonorité un peu moins lourde mais tout aussi rapide et ensuite Gene Ammons, avec un gros son, large. Je pense que le mien est lourd et agressif,  in your face, ce qui le rend puissant. Je pense que c’est l’identité ou la chose en commun du jazz de Chicago  en ce qui concerne le saxophone ténor. Un soupçon de blues vient y faire quelques apparitions car Chicago a été bercé par des artistes comme la chanteuse Koko Taylor, Buddy Guy et d’autres bluesmen très célèbres. Donc le jazz de Chicago possède une composante de blues et je pense que je m’intègre dans ces caractéristiques.
D’ailleurs nous allons faire un tribute à Von Freeman et Eddie Harris avec le saxophoniste David Sanborn qui jouera avec moi et qui devrait sortir en mars 2016 mettre à la fin dans les projets;.

Pourrais-tu nous dire dans quelles circonstances tu as rencontré et  joué, très jeune, avec tous ces grands jazzmen que sont Louie Bellson, Miles Davis, Tony Benett, Betty Carter etc.. ?

J’ai eu beaucoup de chance de grandir à Chicago et avoir à proximité le Green Mill, le Andy’s Jazz Club et le Jazz Showcase. Mon père m’amenait écouter Von Freeman lorsque j’avais neuf ans. Lorsque j’en ai eu dix, Von me laissait m’asseoir avec lui lors de ses performances puis peu à peu il m’a fait jouer avec lui. Son groupe était le groupe résident du Pershing Ballroom dans le southside de Chicago. Il accompagnait les artistes invités et connaissait tout le monde. Il m’a présenté à Miles Davis qui a été super sympathique avec moi et a produit une démo pour moi pour la Warner Bros lorsque j’étais encore au lycée. Von m’a fait rencontrer Betty Carter et j’ai joué pour elle au Jazz Showcase à Chicago. Louie Bellson était une personne très très spéciale. Il m’a embauché pour de nombreux concerts aux Etats Unis après m’avoir écouté à un concert au Elgin Community College. Il a écrit aussi les notes pour mon premier CD qui est sorti en 1996 sur Delmark Recors et qui est intitulé « Cut it Out ».

Quelles sont tes influences musicales ?

Lorsque j’étais tout petit ma tante jouait du piano, de l’orgue et de la guitare à l’église et lorsque j’allais à l’église je l’écoutais. Donc cette musique et le gospel sont peut être les deux premiers styles que j’ai commencé à aimer. J’aimais y aller et je chantais dans les chœurs. Tout cela c’est bien avant que je me mette à jouer du saxophone. Je ne sais pas pourquoi il y avait parfois des notes qui me touchaient et la façon dont certains accords s’imbriquaient me fascinait.
Ensuite, j’ai écouté du rock n’ roll entre huit et dix ans et j’ai commencé à cette période à jouer du saxophone et jouer dans des groupes de rock à Chicago. A onze ans, mon amour pour le saxophone a vraiment commencé à grandir et c’est mon époque Von Freeman m’emmenait dans les club de jazz (Andy’s jazz club) ou je m’asseyez et au fur et à mesure je jouait avec lui. C’était très spécial pour moi. A cette époque, j’écoutais déjà Charlie Parker, mon directeur de groupe à l’école m’avait donné des albums de jazz et c’est à cette époque que le jazz est devenu mon style musical préféré. Quand je suis sorti du lycée, je suis allé à l’université DePaul de Chicago et  obtenu un diplôme en composition classique. Je voulais être sur que je pouvais écrire et composer de la musique classique car mon goût pour ce genre a toujours été assez fort. C’est mouvement musicaux sont mes principales influences bien que j’ai étudié à ma façon d’autres types de musique comme la musique cubaine, et tout ce que l’on peut entendre et étudier dans la musique s’enregistre dans notre tête et peut ressortir à un moment dans notre musique. Je pense que je ne suis pas un très bon musicien classique car j’ai une tendance naturelle à swinguer. Mais le classique m’a apporté les fondamentaux, les accords, les harmonies. Ensuite, je me suis intéressé à des  le mouvement plus avant-gardistes de Chicago avec  le AACM,  Eric Dolphy,  Anthony Braxton qui sont très populaires dans cette ville. Tout cela fait partie de mes influences et ressort dans ma façon de jouer et je veille à être ouvert à différents styles de musique et je les laisse venir se manifester dans ma musique, je ne veux rien forcer. Je ne me suis jamais dit qu’il fallait avoir telle ou telle influence.

Tu as eu un grave accident à la main il y a cinq ans qui t’a empêché de jouer pendant un toute l’année 2011. Qu’as-tu fait dans cette période ?

(J’ai inventé un appareil pour pouvoir jouer du saxophone pendant ma période handicapée.) J’ai  écouté beaucoup de musique et particulièrement John Coltrane. C’est à cette période que j’ai conçu  Love Supreme Collective . Pendant l’année 2012 j’ai collaboré avec Jimmy Chamberlin (dr) et Percy Jones (cb) dans un studio pour enregistrer directement en live. Il m’a fallu ensuite toute l’année 2013 pour ajouter les parties de guitare confiées à Dave Poland et le piano de Adam Benjamin puis faire le mixage et le mastering et confier la conception de la pochette à Tony Fitzpatrick. Le disque est sorti en juin 2014. Pour moi c’était comme un come back car je n’avais pas sorti de disque depuis 2006. Je suis très heureux qu’il soit arrivé à la première place sur Itunes. Je suis aussi très content qu’il sorte physiquement en Europe et au Japon grâce à Bluejazz Records.

Pourquoi cet hommage a John Coltrane ?

La musique de John Coltrane m’a toujours fait vibrer. Ce qui m’a touché en premier c’était l’âme de sa musique et son énergie. Et de plus plus, à l ‘écoute, j’ai réalisé que j’étais aussi attiré par le fait qu’il aimait jouer beaucoup de chansons dans un certain mode : « Impressions » et beaucoup de ses dernier travaux comme « Crescent », « Love Supreme », sont dans une clef, tonalité ou un mode, souvent mineur ou mib Dorien, ce qui permet de poser de bonnes bases, pour jouer dessus. D’autre part, j’ai toujours été très attiré par  Elvin Jones  (dr), Mc Coy Tyner (p) , Jimmy Garrison (cb), . J’ai pu jouer dans le groupe d’Elvin Jones et je ressens son énergie et celle de John me frapper et si j’ai choisi Jimmy Chamberlin pour Love Supreme Collective c’est que je crois qu’il est la version moderne de Elvin Jones…  Pour Love Supreme Collective, j’ai écris ces chansons dans différents mode, pour exprimer différents sentiments. Love Supreme Collective est le résultat d’un ressenti que j’ai éprouvé à la suite d’un accident de voiture après lequel je ne pouvais plus trop jouer. J’écoutais alors en boucle l’album original et c’est celui-ci qui m’a aidé à traverser cette période difficile. J’ai voulu donc lui rendre hommage.

Dans « Love Supreme Collective » si les noms des quatre thèmes sont identiques à ceux de l’album de Coltrane, ces thèmes  ne sont pas une réinterprétation de Love Supreme. Ils ne sont pas non plus écrits de la même façon?

Je n'ai pas choisi les modes spécifiques que l'on peut retrouver dans l'album original de Coltrane. Par exemple "Acknowlegment of the thruth" je l'ai laissé en Mi dorien mais j'ai essayé de choisir un mode pour que le son de chaque chanson soit spécifique. Je pense que chacune des chansons expriment un sentiment, une atmoshpère différente donc j'ai essayé de trouver des modes qui exprimeraient le mieux ce que je voulais faire ressentir.

Le quartet est-il ton format favori ?

Effectivement, j’aime tout particulièrement jouer en quartet mais parfois j’aime jouer en quintet surtout si il y a une trompette comme Randy Breker avec qui j’ai beaucoup joué et que j’aime particulièrement. C’est fun de jouer saxo et trompette.
Il  y a deux formes de quartet que j’apprécie le plus: L’un est la formation qu’utilise John Coltrane dans les années 60 c’est à dire piano, saxophone, contrebasse, batterie.
L’autre  avec le Hammond B3. J’ai beaucoup joué avec des groupes reconnus avec  l’orgue comme  ceux de Jimmy Mc Griff, Doc Laney Smith et deux ou  trois fois avec Jimmy Smith, donc c’était batterie, Hammond B3 -qui faisait la basse de la main gauche et les harmonies main droite-, guitare, saxophone.
J’aime beaucoup jouer en quartet car si le groupe est plus grand je trouve cela moins intime et parfois s’il y a un piano et un Hammond B3, ils peuvent se gêner alors que si on reste à quatre, la batterie, le contrebassiste ou le piano peuvent faire quelque chose d’intéressant et moi  partir de cela et l’intégrer à mon solo de sax. On établit alors une conversation. Lorsqu’il y a plus d’instruments c’est plus compliqué.

Pourquoi enregistrer aussitôt après un deuxième album, complètement différent ?

Oui nous avons donc ensuite, avec Jimmy,  enregistré  God’s gonna cut you down . La chanson éponyme est une vieille chanson gospel vieille de 150 ans. Le personnel a changé entre ces deux albums car nous voulions qu’apparaissent les  membres les plus réguliers avec lesquels nous composons. Les thèmes sont cette fois ceux que nous jouons habituellement lors de nos concerts.

Il semble que Jimmy Chamberlin a eu un rôle important dans ces deux disques ?

Sur le premier album « Love Supreme Collective » Jimmy Chamberlin est arrivé avec les grooves de batterie sans en parler. Il a juste commencé à les jouer.  Percy Jones à la basse a permis d’avoir une section rythmique très solide, ils s’entendent très bien tous les deux. Ils ressentent et entendent différentes choses spécialement quand je jouais les parties mélodiques. Si l’un des deux n’avaient pas été là, l’album n’aurait pas été aussi bon que ce qu’il est. Je dois leur accorder beaucoup de crédit pour cela. Par exemple« God’s gonna cut you down » Jimmy est arrivé avec le groove pour notre version de la chanson. « God’s gonna cut you down » qui est une chanson gospel vieille de 150 ans qui est en fait est une chanson très positive, un paradoxe avec le titre. J’ai entendu Johnny Cash chanter une version de cette chanson.

C’est d’ailleurs la même progression et grille d’accord que tu as utilisé sur cette chanson la même grille que quoi ?  je crois, et le tempo est doublé n’est ce pas ?

Jimmy est arrivé avec un groove assez particuliers, et je me suis dit que « eh le jouer plus vite serait sympa » et on a bien aimé. Jimmy a beaucoup contribuer à ce que ces chansons se marient bien ensemble.
« Big Al’s Theme », « Shakin » et les chansons que tu cites qui sont plus 4/4. Je les jouais avant que Jimmy et moi collaborions et j’adore les jouer, mais Jimmy y apporte un côté plus puissant, un feeling un peu rock et funky opposé au feel boogaloo jazz d’ordinaire. Jimmy a vraiment contribué à l’enveloppe du son et style de ce album.
« Big Al’s theme » je l’ai composé pour le Doreman Doorman du Green Mill Jazz Club de Chicago. Cette chanson passe beaucoup sur les radios aux Etats Unis. Je reçois les reports des radios et on est toujours dans le top 40 et c’est souvent cette chanson qui est joué le plus car elle a possède ce groove rock particuliers qu’on pouvait entendre dans les Smashing Pumpkins que beaucoup de monde apprécie et qui est populaire, mais le solo est assez long et a un côté coltranien de par son feeling. Cette chanson a donc une fondation un peu rock/funk, le Hammond B3 y apporte un feel soul/jazz, de la guitare et moi je peux jouer par dessus un son improvisé un peu dans l’esprit Coltranien. Donc oui je pense que si Jimmy n’avait pas été là, pour driver la musique ça n’aurait pas aussi bien marché.

 


Tu serais d’accord pour dire que les deux albums sont très différents. Le premier plus sophistiqué et le second plus traditionnel, plus accessible ? Pourquoi ces différences ?

Le premier album était plus destiné au noyau dur du jazz (hardcore), des gens qui adorent le jazz ou John Coltrane. J’ai pu me rendre compte alors que dans mon entourage les 20-40 ans ne savaient pas qui était Coltrane et cela m’embêtait car je croyais que tout le monde savait qui il était et que tout le monde connaissait  Love Supreme même dans le milieu de la musique rock ou des producteurs de musique. Mais aujourd’hui je reçois des mails tous les jours de gens qui me remercient de leur avoir fait connaître l’album original après avoir acheté le mien.
Donc je me suis dit que peut être ma musique devait être un peu plus accessible à des gens qui ne sont pas des hard fans et c’est pourquoi des chansons comme « Big Al’s Theme » « Shakin » « Tuna town » sont nées. Ces chansons sont un peu plus jouées à la radio et lorsque cela plait certaines personnes peuvent  aller voir ce que j’ai fait d’autres et se procurer alors  Love Supreme Collective . J’espère que le prochain album sera quelque part entre ces deux derniers albums dans lequel j’y ai mis quelques originaux.
En outre j’aime quand je joue avoir différents arrière-plans (back drops). Par exemple, disons qu’on a un film, avec un même acteur mais des  scripts différents. Il va jouer un rôle différent mais il va avoir toujours la même voix, le même look, un état d’esprit identique pour jouer les rôles. Donc je trouve que c’est amusant de changer les « réglages » l’environnement de la musique. Sur  Love Supreme Collective  l’environnement est très profond et spirituel. Avant cet album j’ai eu un  En raison de l’accident de voiture  mauvais accident de voiture et mon état d’esprit était dans un certain « mode » ressenti que je voulais exprimer  et aussi rendre un hommage à John Coltrane avec cet album.
 Pour l’album suivant,  God’s gonna cut you down , je voulais faire quelque chose d’unique et je n’avais jamais entendu personne reprendre cette vielle chanson de blues. C’est une chanson gospel mais Johnny Cash a vendu 10 millions de copies en en faisant sa version. Aucun autre jazzman qui -souvent s’amusent à se prendre des choses ne l’avait reprise-. Les jazzmen comme les Beatles et des choses comme cela et moi je voulais faire une cover mais unique que j'aimais. Les autres chansons sont plus ou moins sont des titres originaux que j'aime promouvoir et qui montrent des choses qu’on écrit en tant que groupe et qu’on joue régulièrement dans les clubs. Et c’est la première fois aussi que j’enregistre un album à moi avec un B3 et Jimmy n’avait jamais vraiment enregistré avec un B3 donc il voulait aussi absolument enregistrer avec.

Donc tu as finalement introduit un Hammond B3….

J’aime le Hammond B3, mais souvent quand on joue avec Jimmy Chamberlin en live, la formation reste piano, basse, batterie, sax et lorsqu’on a essayé avec le Hammond on a trouvé que c’était aussi bon mais avec un feeling différent. Le Hammond a une possibilité très importante, on peut poser la suite d’accords à la main droite et jouer la basse main gauche. De plus, avec l’enceinte Leslie du Hammond on peut plaquer un accord et le faire tenir à l’infini contrairement a un piano pour la pédale de sustain qui garde la note peu de temps. C’est ce qui rend cet instrument très puissant !
J’ai enregistré pour la première fois avec cet instrument en 1995, Charleston jazz organ summit. J’adore cette combinaison.

Une suite est prévue à cet album ?

Dès l’origine, je prévoyais en faisant le premier album de faire un triptyque avec un troisième volet encore différent des deux premiers. Il  verra le jour en mars 2016 et est plus un tribute du son saxophone de Chicago, Von Freeman, Eddie Harris. Le saxophoniste David Sandborn joue sur deux compositions et on retrouve le Hammond B3 et Jimmy à la batterie. Cela va être un nouveau son ou une évolution de ce son même si ma façon de jouer est similaire. Il aura plus de standards de jazz « Bye bye black bird » « Sugar », un tribute « Chicago Eddie » inspiré de on titre sa chanson « Cold Duck Time » mais avec un pont différent, donc le matériau du prochain album sera très différent des deux derniers. J’espère que d’ici six mois quand le prochain album sera sorti  les gens pourront apprécier la trilogie,  trouver quelque chose de différent dans chacun des trois disquesmais dont la ligne directrice sera resté moi et Jimmy Chamberlin. Tony Fitzpatrick qui a fait les pochettes des albums expose au musée d’art modern à New York, il est très connu et j’apprécie vraiment qu’il fasse cela pour nous. Les trois couvertures sont différents mais  gardent un esprit similaire, comme la musique, J’espère que les gens apprécieront cela.

What is the way is taking your music? Do you have precises ideas where you want  your music to go to ?

Cette dernière année pour moi a été très excitante. Le mois dernier j’ai sorti un album appelé Havana nu beat suite qui est assez avant-gardiste. C’est un album dédié au saxophone. Randy Breker joue à la trompette sur deux morceaux, Ornette Coleman joue sur un morceau, qui est décédé récemment. Je n’ai jamais enregistré rien de tel. C’est cet aspect là que j’ai envie d’explorer et envie de continuer, faire des choses novatrices,  faire réagir les gens et provoquer différentes émotions. J’espère par exemple avec le dernier album avec David Sandborn amener des gens qui aiment le jazz et le saxophone plus classique à aimer des choses que je fais qui sont plus aventureuses.
Je ne veux pas me mettre de barrière, et je ne veux plus travailler avec de grosses majors comme Warner , Columbia… qui te disent quoi composer en fonction de leur envies (intérêts). Je veux rester passionné par ce que je fais, continuer à rencontrer des gens et jouer un peu partout, comme ici à Paris.
Je trouve qu’en ce qui concerne l’Europe l’audience est plus intelligente au niveau du jazz. D’ailleurs je pense que la plupart des gens dans la rue connaissent John Coltrane en Europe.
J’ai vu en marchant dans la rue une affiche Sydney Bechet, et je trouve que les gens sont plus concerné par le jazz, et que l’accueille pour les jazzmen est toujours bon.

Comment tu composes ?

Quand je compose, souvent j’attends qu’une idée me vienne. Je sais que certaines personne vont au piano et vont composer en jouant et chantent en même temps mais j’aime attendre et lorsque j’ai quelque chose dans la tête j’essaye de le faire sortir par le saxophone et après j’aime essayer de le jouer au piano. Je peux mettre des accords à la mélodie trouvée, j’essaye des intervalles différents en harmonies ou  dissonants et voir si cela peut être intéressant. Je n’utilise jamais de métronome. Je dirais qu’une fois par semaine j’arrive à redevenir créatif et j’écris 4 ou 5 idées/chansons.

Comment les autres muciciens viennent se greffer ?

Je leur montre la mélodie et leur demande ce qu’ils voient ou entendent. Je laisse faire si les idées viennent et sinon  je leur donne un papier avec une grille d’accord et cela vient alors très rapidement, mais je n’aime pas trop intervenir. Sur les derniers albums, j’ai composé en ayant à l’esprit que c’était Jimmy qui serait à la batterie et je sais comment il réagit à la musique et à mes compositions car on a beaucoup joué ensemble et je connais très bien son style et comment il aime faire les choses. Par exemple Sur le pont réarrangé de « Chicago Dddie » sur le prochain album, j’ai conçu la chanson en ayant Jimmy à l’esprit car il ne fait pas qu’accompagner de manière classique, il laisse de l’espace à la musique tout en drivant et en y incorporant son style si spécial et dès qu’on a joué cet arrangement c’était  super bon ! Mais parfois j’aime composer sans avoir de batteur en tête car lorsque tu tournes, les musiciens ne sont pas les mêmes et comme il n’y a pas de répétitions et que par exemple cette semaine j'ai 5 concerts avec 5 batteurs différents tu ne composes pas pareil.


Comment vois-tu l’avenir du jazz?

Je pense que le jazz aux Etats-Unis se porte mieux maintenant qu’il y a dix ou quinze ans. Aux USA, il y a des gens qui aiment la musique mais s’ennuient de la « pop music » pour laquelle on utilise des boites à rythmes avec des chanteurs qui chantonnent mais ne chante pas réellement. Et je pense que les plus jeunes sont en train de re-découvrir le jazz, le blues et même de plus anciennes formes de musiques. Certaines séries télévisées aident cela dans des émissions populaires comme Boardwalk Empire dans lequel ils utilisent de la musique des années 20 car l’histoire se déroule dans les années 20 et 30. Le jazz était très populaire à l’époque et donc ils ont essayé de se rapprocher de type de voix comme Billie Holiday et d’autres classiques et célèbres jazzmen. Je pense que le jazz a plus de reconnaissance en ce moment. De plus, les artistes plus jeunes dans le rap, le hihop, et du top 40  samplent de plus en plus de parties de cuivres orientées jazz. Donc, je pense que le jazz se porte bien mais je ne pense pas qu’il redeviendra ce qu’il a été.  Mais il y a un tas de gens curieux qui s’y intéressent. Il y a une quinzaine d’année lorsque je disais que j’étais un musicien de jazz les gens ça n’intéressait personne. Alors que maintenant  les jeunes générations qui ont entre 20 et 30 ans, sont intéressées lorsque je leur apprends que pour gagner ma vie je suis musicien de jazz. La plupart, connaissent John Coltrane, Charlie Parker alors qu’il y a 15 ans la plupart des gens dans la rue ne les connaissaient pas autant. Donc je suis très content de comment évolue les jazz.

Qu’attends tu de tes musiciens ?

J’essaye de veiller à ce que mes partenaires soient toujours à l’écoute. Les musiciens avec qui j’essaye de jouer  ont une bonne perception permettant de suivre les directions dans lesquelles je peux aller, ils ont un bon sens du rythme, car pour moi c’est très important pour que cela groove. Ils sont créatifs et ont le désir d’essayer des choses. Ils ne sont en rien conservateurs.

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