"La Lupe", YOLI, Guadalupe dite (Santiago de Cuba 1936- New York 1992)

Guadalupe YOLI voit le jour dans l'un des faubourgs de Santiago de Cuba, San Pedrito. Son père, Tirso, amateur de cinéma lui donne le nom de la vedette mexicaine du moment. Il s'aperçoit vite des dons de sa fille en matière de chant mais estime qu'elle doit devenir institutrice et ne fléchit nullement. Sa belle-mère elle-même la décourage estimant qu'une négresse ne peut pas chanter ! Lupe passe son temps à écouter sur les ondes les grandes chanteuses latines. Sans prévenir son père elle se présente à un concours de chant, à Santiago. Elle en sort vainqueur, interprétant "Miénteme" et, le concours se déroulant en direct à la radio, son père est vite informé. Il la félicite. En 1955 pour assurer un meilleur avenir à sa fille et lui permettre de suivre des études, Tirso entraîne la famille à La Havane. Trois ans plus tard Lupe est institutrice et annonce à son père qu'après lui avoir donné satisfaction elle allait dorénavant se consacrer à sa passion.
Argentina "Tina" del PILAR, "Yoyo", "La LUPE" accompagnés de Adolfo PICHARDO, piano et Jorge REYES congas.

Elle se marie avec Eulogio "Yoyo" REYES, percussionniste, et monte avec lui et une amie,Tina, un trio, "Los TROPICUBAS". Le groupe se présente au club El Roco, au Olocu... et Lupe attire l'attention grâce à un style inhabituel, agressif, expressif. Le groupe et le couple éclatent rapidement.

Lupe devient vite source permanente de polémiques entre ceux qui en font leur idole et ceux qui n'apprécient pas son indépendance, sa manière de se présenter sur scène et dès l'entrée des Barbudos dans la capitale, le 31 décembre 1958,"La LUPE" se heurte au nouveau pouvoir, non sur des questions politiques mais plutôt sur une image, un comportement peu compatible avec l'idéal des révolutionnaires.


Pourtant en 1960 Lupe chante au Capri, puis au club La Red où sa popularité croît rapidement. Elle y reste jusqu'à l'année suivante. Sa passion, son rythme, son dynamisme, sa sensualité enflamment le public. Un journaliste présent à une soirée la baptise définitivement "La Lupe".

Son succès auprés du public lui permet de remettre sur la bonne voie le Cabaret Le Mans alors en déclin.

La revue Show lui rend hommage lorsqu'elle fête son année de spectacle à La Red en la proclamant Chanteuse Excentrique de l'année.

 

La Lupe et son trophée de la Revista Show. 1961.

 


Deux disques sont édités en 1961 "La Lupe : Con el diablo en el cuerpo", avec des thèmes comme "Fever", "Con el diablo en el cuerpo"… et en 1962 "La Lupe is back". Son style d'interprétation donne naissance à un vaste mouvement distribué dans toute la grande Caraïbe : La Nueva Ola. Elle est l'une des premières à chanter en espagnol les grands succès américains "Crazy Love", "So its goodbye", "I miss you so"… et participe ainsi à la résistance devant la percée du Rock.


Accompagnée de Guillermo Barreto à la batterie La Lupe se présente pour la première fois dans les studios de la télévision.

Sa première prestation télévisée marque le moment de la rupture définitive. En 1962 Lupe YOLÍ quitte Cuba pour le Mexique.


Passant rapidement de México à Miami où elle gagne quelques dollars dans un cabaret, elle rejoint New York. Très vite elle trouve un engagement à La Barraca où elle fait la connaissance de Johnny Pacheco puis de Mongo SANTAMARÍA, enregistrant avec lui "Mongo Introduces La Lupe". Dans l'orchestre se trouvent entre autres René HERNÁNDEZ, "Chocolate" ARMENTEROS… Avec Mongo, La LUPE chante au Triton Theater puis à l'Apollo. En 1964 elle chante dans le cadre de la Foire Internationale de New York.


Tito PUENTE lui propose d'enregistrer une série de disques et, face aux Beatles, au Pop, tous deux assurent la permanence de la musique latine. Le premier succès, "Qué te pedí", est enregistré avec Tito en 1965. Durant trois années les disques communs sortent. Parallèlement aux enregistrements "La Lupe" et PUENTE se produisent ponctuellement sur scène.
Elle devient l'une des stars de la chanson latine aux Etats Unis après son formidable succès obtenu avec Tito lors du 2° Festival Cubano de 1966 au Carnegie Hall et où sont présents Miguelito VALDÉS, Celia CRUZ, la "SONORA MATANCERA", Belisario LÓPEZ, MACHITO, GRACIELA
Cette même année elle enregistre "La Lupe y su alma venezolana". Elle y montre l'étendue de ses possibilités dans l'interprétation du joropo vénézuélien. L'un des atouts de Lupe est d'être capable de briller dans tous les genres de la musique caribéenne. Dans la foulée "La Lupe" sort un disque accompagnée de Chico O'FARRILL et de son orchestre. Elle y chante des succès américains et cubains : "Take it easy", "El carbonero"…
Lupe organise sa formation personnelle et, deux années de suite, en 1967 et 68, devient la Reina de la Canción Latina. Avec son cri caractéristique, Yiyiyi, elle triomphe désormais sur les chaînes des télévisions américaines avec une nouvelle version de "Fever".

Dès 1964 "La Lupe" est attirée par la santería et en 1969 elle devient santo sous le nom de Ocanto Mi et prend l'habitude d'inclure des bembés dans ses présentations et ses enregistrements. Etre santo n'est pas un obstacle à la réalisation de son rêve : Elle chante au Madison Square Garden, disputant la vedette à Tito Rodríguez. Une autre grande scène l'accueille la même année, le Carnegie Hall. Plusieurs disques sont commercialisés : "La Era de la Lupe", "Definitivamente la Yiyiyi", "La Lupe es la Reina". Son implication dans la santería est de plus en plus grande et elle consulte systématiquement les dieux avant toute décision ce qui de nombreuses fois perturbe son travail lorsque la réponse de ceux-ci est défavorable. Autour d'elle gravitent également de nombreux profiteurs du monde des santos.
Au début des années soixante-dix certains de ses disques ont moins de succès. La santé mentale de Willie García, son mari et collaborateur, se détériore. Elle se sépare de lui en 1972 et verse encore un peu plus dans la santería. Sa participation à une pièce jouée sur Broadway, guère appréciée par le public latino, ne lui permet pas de relancer sa carrière.

En 1973, accompagnée du jeune pianiste portoricain Papo Lucca elle enregistre "Pero como va ser ?", un disque qui semble pouvoir redorer son prestige et l'année suivante elle participe au concert du groupe "Tico-Alegre All Stars", accompagnée par Tito PUENTE et un autre disque paraît, "Un encuentro con La Lupe". Ces années soixante-dix sont celles durant lesquelles le phénomène salsero monte en puissance. On l'entend aussi accompagnée de l'orchestre de Emilio de los REYES au Crystal Grill à St Elisabeth.
La compagnie discographique La Fania rachète Tico et "La Lupe" avec mais n'exploite pas les talents de la chanteuse lui préférant systématiquement Celia CRUZ.. "Las Estrellas de la Salsa" à aucun moment ne l'incorporent à leurs prestations. Peu à peu "La Lupe" est écartée du monde musical. Ses rapports avec les dieux perturbent l'ensemble de sa vie familiale et professionnelle. Tito PUENTE intervient auprès de La Fania qui, en 1978, accepte de les enregistrer ensemble. Le disque sort sous le nom "La Pareja", bénéficie de peu de promotion et obtient un succès mitigé tout comme "Algo Nuevo" deux ans plus tard. Le disque compte pourtant avec la participation d'une vingtaine des meilleurs salseros du groupe. Celia CRUZ est définitivement La Reina en lieu et place de "La Lupe".

 

La Lupe avec le Tico Alegre All Stars. 1974.


Estimant pouvoir encore avoir du succès à Puerto Rico "La Lupe " s'y installe en vain en 1980. Sa situation financière devient intenable.
De nouveau à New York, Lupe vit d'aides publiques, voit sa maison partir en flammes et est victime d'un accident qui l'oblige à rester en fauteuil roulant. En 1986, le monde du spectacle, alerté sur son état, lui rend un hommage dans les salons du Broadway 96. Le public la réclame sur scène.
Abandonnant la religion afro-cubaine, Lupe YOLI, découvre le christianisme. Subitement, à la suite d'une visite chez un pasteur, sa colonne vertébrale retrouve sa vitalité. Elle s'investit totalement dans la propagation de l'Evangile, vendant des cassettes produites par elle-même.
En 1992 Lupe YOLI décède d'un arrêt cardiaque.

© Patrick Dalmace
Toutes les photographies sont extraites de "Desmitificación de una diva". J. A.Moreno-Velázquez. Ed. Norma. P.R. 2003.

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