PIÑEIRO, Ignacio (Pinar del Río 1888-La Havane 1969)

Ignacio PIÑEIRO nait dans le modeste quartier Jesús María puis sa famille migre vers un autre barrio, Pueblo Nuevo où il grandit et suit l’école primaire. Il commence tout jeune, vers huit ans, à composer des decimas. En marge de l’école il réalise de petits travaux sur le port pour rapporter un peu d’argent. Cette situation l’amène à fréquenter babalaos, ñañigos, abakuás à connaître les chants et cultes issus des cultures africaines. Il s’imprègne aussi des rumbas de l’époque qui animent la vie portuaire et le quartier où il vit et des différents rythmes de claves.
De manière empirique il essaie d’apprendre la guitare et elle lui sert bientôt à composer ses decimas et bientôt ses premiers guaguancós. Ignacio rejoint très tôt le coro de clave « MULATOS del SOLAR » puis le « TIMBRE de ORO », une véritable école de rumba. Il dirige bientôt ce coro alors qu’il n’a que  seize ans. D’autres groupes vont profiter de ses qualités, « La UNIÓN » dans son propre quartier ; « La DISCUSIÓN » et « JUVENTUDES »  dans celui de Los Sitios ou encore  le « BOTÓN de ORO » de son barrio de naissance.

PIÑEIRO intègre également le « PENDÓN de los NEGROS CURROS » mais c’est au sein de « Los RONCOS » à partir de 1906, qu’il s’épanouit totalement, composant pour ces rumberos « El Edén de Los Roncos », « Mañana te espero, niña »... Il est en controverse permanente avec les meilleurs décimistes et rumberos d’autres coros et notamment l’un des plus importants « El PASO FRANCO » du quartier habanero de Carraguao. De ces intenses joutes verbales jaillit une forme moderne de guaguancó, œuvre de Ignacio PIÑEIRO, dont le patron est fixé dans « Dónde estabas anoche » ; le guaguancó devient plus riche, vocalement, rythmiquement.
Parallèlement à ses aventures musicales Ignacio doit travailler pour gagner sa vie. Il est tour à tour palefrenier, docker, tonnelier, maçon domaine où il va exceller. En 1908 il entre logiquement dans une société abakuá, la Potencia Eforí Enkomó.

En 1912 il se joint à la comparsa « El BARRACÓN » mais son intense activité l’amène à rencontrer les premiers soneros qui s’installent dans la capitale notamment dans les quartiers populaires, ceux des rumberos. Quatre années plus tard il entre dans le groupe « RENACIMIENTO », du bongosero Agustín « Montoto » GUTIÉRREZ. Ignacio chante, joue de la guitare mais s’initie aussi à la contrebasse.
Comme il l’a fait pour le guaguancó, PIÑEIRO introduit des apports personnels au Son santiaguero qui se répand dans la capitale. Il puise son inspiration dans toutes les connaissances qu’il acquiert auprès des abakuás et des éléments appartenant à la rumba s’immiscent avec lui dans le Son. La décennie qui suit va être marquée pas ces apports et à partir de ceux-ci va se forger un Son habanero dont la saveur se démarque de celle du Son de l’Oriente cubain. Lorsqu’en 1926 Ignacio PIÑEIRO se joint à María Teresa VERA pour former un sexteto c’est le nom de « SEXTETO OCCIDENTE » qui est choisi, marquant par là la rupture avec la forme orientale du Son. Lors du voyage à New York il écoute des groupes de jazz et en tire bénéfice quant à la manière d’utiliser la contrebasse.


Ces innovations puisées dans la sacré des religions afro-cubaines n’est pas du goût des sociétés abakuás et autres et PIÑEIRO  s’attire certaines disgrâces principalement lorsque María Teresa VERA va interpréter une de ses œuvres  « Dichosa Habana ». Ignacio qui est également le contrebassiste du « SEXTETO del MOZO BORGELLA » installé au cabaret La Verbena, se rapproche de Juan de la CRUZ qui vient d’organiser le « SEXTETO HABANA SPORT » qui  est la formation de l’Académie du même nom. PIÑEIRO, avant même de quitter le « SEXTETO OCCIDENTE », alterne ses différentes prestations  avec celles du groupe de de la CRUZ. C’est à l’Académie qu’il propose pour la première fois une guajira-son.
Le sexteto s’y présente comme le « SEXTETO HABANA SPORT  del maestro Ignacio PIÑEIRO».


Avec le Septeto Nacional. Photographie, Collection Jaramillo.


Lors du voyage à New York pour réaliser les premiers enregistrements le « HABANA SPORT » est rebaptisé « SEXTETO NACIONAL ». Ignacio fournit une partie du répertoire des différentes sessions : « Estas no son Cubanas », « Bu Bu Rum Barara », « Cubaneo »…
Il est important de noter que sous l’impulsion de PIÑEIRO de nombreux cantantes, parmi les meilleurs s’incorporent aux formations soneras, à commencer par les voix du « NACIONAL ».

A la fin de 1927 Ignacio lors d’une prestation à La Verbena avec la formation de BORGELLA rencontre Lázaro HERRERA qui mêle son cornet au sexteto, effectuant quelques fioritures. Cela plaît à PIÑEIRO qui l’invite à répéter avec le « SEXTETO NACIONAL ». Lazaro reste. Le sexteto devient septeto, le « SEPTETO NACIONAL » et part de nouveau à New York enregistrer. De nouveau le contrebassiste fournit de nombreux thèmes : « Bardo sublime », « Acordes de bongó », « Oye mi dulce tres »… Au retour Ignacio va de nouveau faire évoluer le Son en incorporant le bongosero Agustín GUTIÉRREZ dont la technique est totalement différente et innovatrice par rapport à celle des bongoseros du moment.



Ignacio en 1929.

Au milieu de 1929, lors du voyage à Seville Ignacio compose, pendant l’escale de New York, l’un des thèmes historiques du répertoire sonero « Suavecito » qu’il modifie une fois encore en arrivant à Seville. Ignacio qui a pris la place de directeur au départ de Juan de la CRUZ, conduit sa formation jusque dans les plus petits villages. En 1931 alors que le « SEPTETO NACIONAL » est à Catalina de Güines PIÑEIRO compose un autre Son historique « Échale Salsita » avec contrairement à ce qui se faisait jusqu’ici des phrases entières jouées par la trompette.

"Échale salsita".

Ignacio rencontre Gershwin à La Havane en 1932. Gershwin utilisera dans son « Ouverture Cubaine » des phrases issues des compostions de  Ignacio PIÑEIRO. La crise économique, malgré le succès du septeto  conduit en 1934 Ignacio à quitter le groupe et le monde musical pour retourner à son métier de maçon. Toutefois c’est lui qui en 1937 réorganise la comparsa « El BARRACÓN »  qui défile en février  avec botijas, tambours et guitares et interprète ses congas et il participe aux enregistrements faits pour la RCA Victor avec la voix de Miguelito VALDÉS. A plusieurs reprises le contrebassiste va retrouver sa formation pour des événements très ponctuels ou quelques enregistrements mais le « SEPTETO NACIONAL » n’a que très peu d’activité en raison du contexte économique et de la concurrence impitoyable des conjuntos.

Mais en 1953 le musicologue Odilio URFÉ souhaite, pour deux manifestations spécifiques dont l’émission radiophonique Música de Ayer y de Hoy, réorganiser le septeto. Il fait appel à PIÑEIRO qui rassemble les « anciens » appelle son ami guitariste Rafael ORTIZ et assure les prestations. Quatre années plus tard le même URFÉ fait enregistrer le « SEPTETO NACIONAL » à Cienfuegos  avec des thèmes d’Ignacio dont les inédits « Eterna primavera » et « Llego la Tora».

Ces activités relance le groupe  qui réalise de nouveaux enregistrements à la fin de la même année sous le nom de "SEPTETO NACIONAL de IGNACIO PIÑEIRO" appellation que va conserver PIÑEIRO lorsque en 1959, motivé par le succès des révolutionnaires et leur politique de sauvegarde culturelle, il relance définitivement le septeto avec plusieurs des fondateurs et l’anime jusqu’en 1969 réalisant plusieurs tournées, concerts, enregistrements… Infatigable il est aussi assesseur dans le travail de sauvetage de la tradition et voyage dans toute l’île. Au début de 1969 il décède à La Havane.

© Patrick Dalmace

Discographie sélectionnée:

* Cf. "Cf. Sexteto OCCIDENTE."
*
Cf. "Sexteto et Septeto NACIONAL."

 
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